Le lin et le chanvre, que l’on ne voit plus guère dans la région, ont des façons culturales identiques de même pour les traitements appliqués à la plante pour arriver au fil prêt à être utilisé en corderie ou en tissage (le chanvre étant plus apprécié en cordage et le lin plus souvent tissé).
Le lin comme le chanvre étaient connus et utilisés dès la plus haute antiquité, on a retrouvé des tissus d’une dizaine de milliers d’années en Egypte, en Suisse et aussi en Asie.
Semé en avril, le lin est récolté au bout de 100 jours environ, soit en juillet. Ces plantes sont arrachées et non fauchées en raison du caractère ligneux des tiges (une mécanisation de l’arrachage a eu lieu après la seconde guerre mondiale).
Les graines, quand à elles, ont une utilisation particulière : chènevis pour le chanvre, la graine de lin sert à faire de l’huile siccative pour la peinture ainsi que des farines pour divers usages médicaux.
Avant d’arriver chez le tisserand, la plante (lin ou chanvre) subit un traitement complexe et de nombreuses manipulations qui mobilisent une importante main d’oeuvre masculine et féminine de spécialités variées.
Après l’arrachage, vient la mise en carpettes elles mêmes mises en chaîne avant la construction de meules. Ramené aux bâtiments d’exploitation, le lin passe au battage (on utilise pour cela des battes ou des fléaux) pour séparer les graines des tiges.
Vient ensuite la mise en bottes et en ballons qui seront lestés pour le rouissage en rivière ou en clairs.
Cette opération permet le développement de bactéries qui favoriseront la séparation des fibres et de la filasse.
Après avoir été rouies durant une périodevariable suivant la température, de 6 à 20 jours les tiges sont mises à sécher car les opérations qui suivent nécessitent un lin bien sec.
Nos grand-mères, avec le temps qui passe, disons même nos arrières grand-mères maîtrisaient l’art de dresser une quenouille, et soyez assurés que malgré son apparente simplicité, l’opération nécessite une certaine pratique si ce n’est une pratique certaine.
Le rouet qui date du 13ème siècle (aux environs de 1272) est en fait une mécanisation du fuseau. Il se compose d’une roue que l’on fait tourner à la main pour les premiers modèles. Puis, Léonard de Vinci ayant apporté (ici aussi !) sa petite contribution, le rouet est actionné au pied par l’intermédiaire d’une courroie donnant un mouvement de rotation au fuseau qui va prendre la forme d’une bobine.
La mécanisation date de la fin du 19ème siècle, avec l’apparition des filatures.
Enfin, filé, le lin est mis en écheveau pour être envoyé au tisserand (tissage manuel, tissage mécanique, métier à tisser) le tissu subira encore le blanchiment et la teinture avant d’arriver dans nos armoires.
Rouies et bien séchées, les tiges subissent le teillage aussi appelé l’écangage ou broyage, opération réalisée à l’aide d’une broie (aussi appelée brisoir) de façon à écraser la partie dure et ligneuse ou chènevotte et permettre le sérançage, c’est à dire d’en séparer la partie textile ou filasse. Le début du 20ème siècle verra l’apparition d’une machine pour un broyage mécanique de plus grande rentabilité.
Lors de la séparation du bois et de la filasse on obtient d’une part des particules ligneuses appelées « anas » qui servent, pressés, à faire des panneaux agglomérés de particules en menuiserie et la fibre débarrassée de sa « paille », fibres longues appelées filasse et fibres plus courtes que l’on nomme étoupe.
L’étoupe pourra être utilisée pour fabriquer du « non tissé ». La filasse elle, passe alors au peignage et au cardage pour assouplir, démêler et paralléliser les fibres. En outre ces opérations permettent d’éliminer les restes de chènevottes qui pourraient encore adhérer.
Le travail est alors bien avancé puisqu’il ne reste qu’à mettre tout cela en forme pour obtenir un fil utilisable.
Extraits de l’article publié dans la revue du Cercle Historique d’Ecourt St Quentin et de ses environs en 2007 (Remerciements à Alain Bernard/Sébastien Biharé/André Sylvain).